Exposition « L’état sauvage » Frédéric Poincelet

Publié le : 29 janvier 20195 mins de lecture

G a l e r i e Catherine Putman – Paris – 01 45 55 23 06  www.catherineputman.com

Frédéric Poincelet

Les plus cultivés (ou les plus décatis) d’entre nous remarqueront d’abord que Frédéric Poincelet a choisi comme titre de son exposition celui d’un roman de Georges Conchon, L’Etat Sauvage, Prix Goncourt 1964. Cette flèche, si c’en est une, paraît désigner une aspiration chronologique. Comme si ce jeune artiste cherchait d’entrée à ancrer sa modernité dans une atemporalité rassurante, en phase avec la nature de son trait et de sa démarche. Parcourir ses travaux antérieurs étaye cette intuition. Dans ses productions «narratives», tels le recueil Poésie ou le roman dessiné Mon Bel amour, autant que dans ses contributions au collectif Frédéric Magazine, qu’il anime, Poincelet affiche un classicisme formel assumé. Il n’est pas indifférent de savoir que cet érudit graphique, dont les engouements courent d’Ingres à Chas Addams, professe une admiration pour Raymond Poïvet, maître du réalisme français en bande dessinée.

Ses nus à l’abandon, crûment exhibés ou saisis d’une exaltation sans cause, ses figures fixées dans la gestuelle minimale de la conversation, ses visages souvent indéchiffrables, empreints d’une vacuité génératrice de malaise, ses natures mortes bizarres, constituent une sorte de noyau hystérique contenu par une main affectant le plus grand calme, une maîtrise technique délibérée. L’art de Poincelet apparaît d’abord laconique et minutieux. C’est – via la pratique systématique de la hachure et du rehaut – un art qui encage, qui cherche à contraindre le dérèglement dans un espace défini par l’infiniment vide qui le cerne. La règle (l’outil, pas le principe) corrige l’émotion. Et, puisque l’artiste n’est pas à un paradoxe près, aide à simuler, à travers un dispositif de lignes parallèles qu’on pourrait qualifier d’op art, la palpitation, le mouvement, la vie qui animent ces corps arrêtés, comme embaumés entre les mains d’un démiurge thanatopracteur. La distinction s’abolit entre les matières vives et inertes, qui interagissent, se croisent, se mêlent, se griffent ou se contredisent, toujours dans le but de produire un sens aussitôt dérobé, une surprise qui, étrangement, offre la sensation de la plus grande familiarité. La force mystérieuse de ces dessins tient sans conteste à leur façon de rebattre sans fin l’aléatoire. Une conversation avec Frédéric sur ses sources et ses méthodes s’avère à cet égard éclairante.

C’est le brassage incessant d’images aussi triviales qu’il se peut, images négligées, subsidiaires, sans valeur artistique, photos ineptes, anthropométriques, qui se trouve à SDOPM 40, rue Quincampoix | FR-75004 Paris | contact@catherineputman.com

Frédéric PoinceletLa galerie Catherine Putman accueille pour la première fois une exposition monographique de Frédéric Poincelet, après l’avoir présenté en oneman show au Salon du dessin contemporain au Carrousel du Louvre en mars 2010, et à la galerie lors de l’exposition collective « Oh cet Echo », en septembre 2009. Frédéric Poincelet revendique la pratique du dessin pour lui-même. Auteur de bandes dessinées comme Mon bel amour ou Essai de sentimentalisme, (éditions ego comme x), il a également publié des recueils de dessins comme Poésie, (éditions de la cinquième couche) et un ouvrage qui se trouve entre ces deux genres, Une relecture (éditions ego comme x). Sa la base de sa démarche. Détournement sémiologique, déviation des stimuli, pornographie tournant à vide, absurdité des situations, et au coeur de tout cela, comme un papillon épinglé vif, une élégance intrigante, une inexplicable beauté. Dürer meets Balthus sous les projecteurs froids du vieux collectif Bazooka. Ce n’est qu’une formule. Elle résume provisoirement et incomplètement le travail singulier de cet artiste qui choisit d’emprisonner l’état sauvage pour mieux en révéler l’indomptable évanescence. Le dessin se fait philosophie, comme John Cage disait «Music is philosophy».

Jean-Luc Fromental

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